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30 juillet 2014 3 30 /07 /juillet /2014 14:26

LA LOI ALUR : Attention, gare à la casse !!

« Dans son infinie sagesse, le législateur a souhaité protéger des méfaits des bailleurs le peuple des grandes villes ».

C’est à peu de choses près en ces termes que le monde de l’immobilier découvrit, stupéfait, en ce début d’année 2013, qu’une ministre en mal de publicité était bien déterminée à « se faire un nom » sur son dos.

Sitôt nommée, flattant les penchants populistes, malheureusement si courants en temps de crise, cette ministre s’employa à persuader nos concitoyens que la difficulté à se loger ne pouvait résulter que des pratiques douteuses perpétrés par des bailleurs arrivistes et inconséquents et qu’il fallait voir derrière leurs dérives la source de toutes nos difficultés à nous loger. Elle caricatura la situation du logement en France en une présentation simpliste et sans nuances. D’un côté des affairistes sans scrupules et de l’autre des familles étranglées. Elle fit ainsi délibérément du monde de l’immobilier un bouc émissaire aux yeux de l’opinion publique.

Peut-être avait-elle quelque chose de personnel à régler avec notre profession ?

Piaffant d’impatience sur son destrier vengeur, telle une Jeanne d’Arc des temps modernes, cuirassée dans ses certitudes, remplie de sa mission et l’exprimant avec toute l’arrogance de son inexpérience politique, elle entreprit alors de tailler en pièce notre métier au nom de l’exemplarité. Au passage, elle brisa quelques vieilles et belles entreprises et ruina quelques centaines de petits épargnants anonymes qui, comble d’ironie, avaient voté pour elle quelques mois auparavant.

Personnellement, je ne suis pas contre un peu d’exaltation dans une profession devenue, avec le temps et la facilité, fade et sans passions mais là quand même… On joue avec quelques centaines de millions !! Le prix des quelques heures de votre gloire Madame la Ministre.

Elle nous sacrifia à sa grande croisade idéologique où devait s’appliquer une vérité bonne pour tous – la sienne – cela même contre ceux qui n’en voulaient pas et qui pourtant étaient majorité dans le camp de ceux qui créaient chaque jour, par leur travail et par leurs investissements, les logements que l’état ne savait pas produire.

La crise sévissait. L’investissement fléchissait. Le logement manquait ; pourtant plutôt que de laisser chacun prendre part naturellement au grand mouvement de la vie économique et favoriser ainsi la relance en laissant au jeu automatique de la concurrence le soin de réguler le marché, elle fit pleuvoir ses lois sur le petit peuple des propriétaires qui n’en demandait pas tant. Elle institua la loi ALUR, une accumulation de textes indigestes voire inapplicables. Du volume, du volume et encore du volume, certes, mais pas d’épaisseur.

Ce que le législateur ne pouvait obtenir par la voie naturelle des choses, elle voulut l’obtenir par la contrainte. Animée d’une sorte d’ivresse qui ôtait toute possibilité d’une réflexion sereine, elle insuffla à son ministère un climat particulier, une froideur technocratique peu adéquate lorsqu’on traite de la propriété individuelle. On ne traite pas du logement, un sujet aussi fortement chargé d’affectivité, sans nuances et sans préparation. Elle institua un ministère puritain et intégriste, ennemi des petits plaisirs et des grandes espérances qu’offre la possession d’une maison bien à soi. Elle plaça indifféremment bailleurs et professionnels de l’immobilier sous la toise du soupçon et imposa une politique qui aliéna d’un coup la liberté de chacun à disposer du fruit de ses efforts.

Bien sûr Madame, il vous fallait agir vite. Vous ne vouliez surtout pas risquer d’être à la traine d’un nouvel élan politique qui se serait fait sans vous. Vous vouliez être l’auteur de travaux dont on se souviendrait. Vous vouliez marquer votre temps.

Vous avez donc mené allègrement à l’encontre des agents immobiliers une politique discriminante, totalitaire et outrageusement désinvolte, comme si vous vouliez en stériliser l’espèce, les effacer définitivement de votre rêve. Avouez que c’est un comble lorsqu’on se prétend depuis toujours aussi attachée à la préservation de la biodiversité !

Madame la ministre, vous représentiez nos instances. En conséquence, nous attendions de votre ministère qu’il se montre naturellement garant de la pérennité de notre idéal professionnel - La responsabilité d’un chef n’est-t-elle pas de veiller en premier lieu à la survie de son équipe et de lui assurer les moyens et les conditions de son évolution? – Ce fût le contraire, votre politique fût vexatoire. Vous vous croyiez investie de pouvoirs alors qu’il s’agissait de responsabilités ; Un ministre, Madame, n’acquiert pas une forme supérieure de sagesse parce qu’il est décoré d’un sautoir.

L’exercice du pouvoir s’apprend. Il s’apprend dans l’échange et non dans la distance comme vous le fîtes, en jouant votre « solo ». Un vrai chef postule que les protagonistes du jeu peuvent tous et toujours s’améliorer. Il développe l’esprit d’équipe, joue collectif. Le changement, ce n’est pas seulement accumuler des règles nouvelles, (Ce tas de trucs immangeables que vous voulez nous faire avaler soi-disant pour notre bien). Le changement c’est d’abord un état d’esprit. Il faut savoir mettre ses équipiers en valeur, leur servir des occasions, rattraper parfois leurs fautes pour reprendre une métaphore footballistique…

Vous, Madame, vous nous avez envoyés directement « à la casse » dès les premiers matches !!

Voilà qu’après avoir déployé tant d’efforts afin de mieux comprendre et mieux nous adapter aux nouveaux enjeux économiques, vous nous interdisez, à nous les acteurs traditionnels de l’immobilier, de participer aux décisions. Au contraire, voilà que vous nous invitez à faire un retour sur nous-mêmes, à faire une sorte de bilan personnel, voilà qu’on met en doute notre bonne foi et notre intégrité, qu’on nous engage à méditer sur nos responsabilités, voire, qu’on nous incite à plus de sévérité envers nous-mêmes…Ce n’est pas ce dont nous avions besoin, Madame. Ce n’est pas non plus ce qui allait dans le sens de l’intérêt commun.

Gouverner, Madame, ce n’est pas seulement chercher à "marquer son temps", ou même chercher à "être de son temps" ; c’est savoir être de tous les temps, de n’importe quel temps. Gouverner c’est, non seulement, être capable de choisir entre un bien et un autre bien, mais c’est parfois aussi savoir choisir un "moindre mal". Vous Madame, vous les avez tous rejetés. Vous disposiez pourtant du levier puissant que sont nos organisations professionnelles – Vous ne vous en êtes pas servi ; au contraire, vous les avez discréditées.

A cause de cette loi ALUR, l’un des moteurs économiques majeurs de la classe moyenne risque de disparaître - L’espoir d’assurer librement son mieux-être matériel - Cette liberté individuelle qui justifie en partie la pénibilité de notre quotidien risque de s’effondrer et avec elle l’idée-même de la liberté et du désir d’entreprendre. Dans l’esprit du français moyen, l’investissement locatif c’est comme une assurance de « bon père de famille » où, contre le paiement de remboursements librement consentis, on s’assure contre les risques et les vulnérabilités tels que la maladie, le chômage, l’incapacité et l’insécurité. Or, cet « encadrement » ou pourrait-on mieux dire : cette « Mise sous tutelle de l’épargne privée » et l’incapacité à conserver son épargne qui en résultera, va décourager les petits épargnants et les inciter à placer leur argent ailleurs, la rentabilité de leur capital ne pouvant plus être garantie.

La loi ALUR est le produit des égarements d’un cénacle d’intellectuels, inconcevablement fermé aux acteurs principaux de l’immobilier, où s’expriment des préoccupations de nantis qui en font une exploitation moralisatrice qui nous éloigne considérablement et pour longtemps de notre objectif : CRÉER DU LOGEMENT. Heureusement, madame la ministre, la durée d’un mandat est limitée et notre profession injustement atteinte dans sa réputation renaîtra des attaques que vous avez dirigées contre elle.

Nous faudra-t-il conserver la loi Alur dans l’état afin d’assurer à Madame Duflot la continuité symbolique d’un ministère qui nous a tant affaibli?

La remise en cause du statut de « l’épargnant immobilier » ne peut s’instaurer sans une véritable concertation démocratique préalable et sans prendre le temps de s’assurer d’une véritable pluralité des informations, faute de donner à nos concitoyens l’impression de faire reculer l’esprit démocratique. D’autant que cette menace d’encadrement éloigne définitivement toute perspective d’embellie et donne à nos contemporains le sentiment de basculer dans une irrépressible succession de lois et d’amendements décousus, sans objectif à long terme, donnant ainsi le sentiment que l’état ne les protège plus.

Les répercussions de la loi Alur dépassent largement la sphère du logement ; retrouver le chemin de la propriété est la condition indispensable pour reprendre espoir et reconstruire une relation positive à l’avenir.

Nos dirigeants doivent donc prendre le temps de penser le long terme. Et, peut-être serait-il plus approprié d’expliquer les valeurs qui fondent leurs décisions du moment plutôt que de commencer, sans la plus petite concertation, à envoyer leurs missiles. D’autant que ce brutal coup de frein donné à la production de logements privés pourrait bien avoir des effets très pervers sur un registre encore plus important, l’emploi.

Nous voulons croire que notre nouveau ministre saura montrer plus de considération pour notre profession et saura donner à tous les protagonistes du logement la place qui leur revient au sein de ce grand projet de priorité nationale qu’est l’accès au logement pour tous.

ORAKLIO

mechery.hedy@dartybox.com

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commentaires

I
Bonjour, <br /> Votre article est un véritable pamphlet très argumenté et très agréable à lire. <br /> Je crois que la majorité des professionnels de l'immobilier partagent votre point de vue (peut-être d'une manière plus nuancée). <br /> A mon sens, le dispositif Duflot était effectivement un dispositif précoce et relativement bancal. Mais la loi Pinel, qui la remplace, semble bien plus adaptée aux réalités du marché et rééquilibre les protections et avantages au profit cette fois du propriétaire. Et, c'est une très bonne chose car le dispositif Duflot accordait plus de sécurité et de bénéfices aux locataires. Même si ces démarches partaient très certainement d'une bonne volonté, la stratégie mise en place par le gouvernement de l'époque n'a pas et n'auraient pas porté ses fruits, en partie à cause de son inadéquation avec la réalité.
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